Il faut douze pieds pour faire la bête à deux dos

Le soleil ardent ruisselait sur ses cheveux,
Et posait sur eux des reflets éblouissants,
Qui, m'imposant leur mordoré scintillement,
M'aveuglèrent, m'obligeant à détourner les yeux.

Déconcerté, j'interrompis ma lente marche,
Et m'écartai de mon chemin accoutumé,
Afin de rechercher la source ensoleillée,
De ces rayons insolants à l'éclat bravache.

Elle attendait un bus qui tardait à venir,
Et patientait en déambulant lentement,
En se berçant d'un langoureux déhanchement,
Qui sûrement promettait un bel avenir.

Rester de marbre était devenu impossible,
Face aux charmes ravageurs de cette blonde splendeur,
Qui en un instant avait envahi mon coeur,
Empli soudainement d'un désir irrésistible.

Comment l'aborder, quelle technique utiliser ?
D'ores et déjà, une seule chose était certaine,
Il ne fallait surtout pas que je m'abstienne,
Mon unique crainte étant de l'effaroucher.

Serait-ce le fameux "c'est à vous ces beaux yeux là?",
Le très célèbre "vous habitez chez vos parents ?",
Non ! Cette beauté réclamait plus percutant,
Une improvisation lui revenait de droit.

Je n'avais que quelques secondes pour réfléchir,
Le temps de me hâter vers elle pour l'aborder,
Et pour d'une quelconque façon lui déclarer,
Que je désirais tantôt la circonvenir.

Excusez-moi Mademoiselle d'être aussi indiscret,
Mais une dure question actuellement me tracasse,
Dont il faut promptement que je me débarrasse,
Quitte à passer pour le dernier des effrontés.

Je vous en prie, beau jeune home, se moqua-t-elle,
Je suis volontier à votre disposition,
Exposez-moi rapidement cette question,
Qui avec cette violence ici vous interpelle.

La coquine tendit le doigt vers mon pantalon,
Drapée dans une assurance et une impudeur,
Qui me mettaient immédiatement en demeure,
De reprendre en main la présente situation.

Elle n'était visiblement pas du tout farouche,
Mais j'avais à l'instant perdu tous mes moyens,
Et les mots s'embrouillaient pour trouver le chemin,
Pourtant bêtement entrouvert de ma bouche.

Ces quelques secondes toutefois me permirent,
De retrouver un semblant de maîtrise perdue,
Et du tréfond de mon pauvre cerveau éperdu,
Jaillit une idée qui aurait pu être pire.

N'allez pas penser que je veux vous offenser,
Mais la même question trop souvent me turlupine,
Je n'ai pourtant pas l'âme d'humeur chagrine,
Mais ne suis tranquille que lorsque je l'ai posée.

Quel mystère est caché sous les jupes écourtées ?
La vôtre me paraît trop modeste pour être honnête,
Un slip, un string, des bas et des jarretelles peut-être,
Du coton, de la soie, une culotte satinée ?

Dans un bref instant vous serez rasséréné,
Si vous voulez bien tenir mon sac un moment,
Pour connaitre la surprise d'un cliché émouvant,
Vous verrez ce qu'à nul je ne désire cacher.

Et glissant l'objet dans mes mains embarrassées,
Sans s'occuper de l'agitation de la rue,
Ses doigts se saisirent de ce tissu superflu,
Offrant la vision de son abricot rasé.

Il n'existe pas de mots pour décrire ma surprise
Qui n'était rien cependant en comparaison,
De celle de la femme qui lacha ses commissions,
En découvrant avec moi cette image exquise.

Loin de se troubler, ma rencontre impudique,
Désirant lever les dernières ambiguïtés,
Se tourna afin de montrer l'autre côté,
D'un corps comblant les goûts les plus éclectiques.

Quel scandale, s'écria un vieil homme ulcéré,
Police, police ! Il faut que cesse l'ignominie,
De l'exhibition publique de cette vile souris,
Elle ose, devant les enfants ! Il faut l'arrêter !

Ces cris me tirèrent du rêve où m'avait plongé,
L'incroyable découverte du sexe polisson,
Rendu juvénile par l'absence de toison,
A la vue de tous dans l'avenue dénudé.

Dans ma main je saisis celle de la demoiselle,
Et loin de l'attroupement qui s'était formé,
Rapidement je l'entraînai pour échapper,
A l'arrivée inopinée des hirondelles.

Essouflés après quelques centaines de mètres,
Nous nous immobilisâmes pour nous reposer,
De cette longue course poursuite échevelée,
Qui nous avait conduits sur ce banc de hêtre.

Mademoiselle, lui déclarai-je sentencieux,
Cette chair qu'à tous vous avez découverte,
L'impudeur de cette inédite scenette,
M'ont mis dans un état quelque peu comateux.

Mes jours ne sont, espérons-le, pas en danger,
Néanmoins, force vous sera d'admettre aisément,
Qu'après la secousse d'un tel émerveillement,
Mes pauvres sens soient diablement émoustillés.

Mon ami, quelle curieuse habitude vous avez !
Votre langage ne cesse d'user de paraboles,
Vous tentez de maintenir un dialogue de haut vol,
Alors que votre idée n'était que de baiser !

Allons-nous devoir poursuivre cette comédie,
Gaspiller des heures entières à tergiverser,
Laisser l'après-midi vainement s'écouler,
Alors que nous ne seront satisfaits qu'au lit ?

Qaund donc vous déciderez-vous à m'embrasser ?
Croyez-vous être ici le seul à être ému ?
Si vous osiez glisser la main sous le tissu,
Poissant ma jupe vous me verriez toute excitée.

Mais Mademoiselle, lui répondis-je vexé,
Vous vous montrez décidément impensable,
Je ne suis qu'un être fragile et instable,
Que vous êtes sur le point de déséquilibrer.

Il n'était vraiment pas dans mes habitudes,
Jamais contestées, jusqu'à présent tout au moins,
D'être manipulé à merci tel un pantin,
Vous m'ôtez là mes plus intimes certitudes.

Néanmoins, je me sens prêt à vous démontrer,
Si vous le voulez, que je suis bon élève,
Puisque dans vos propos grivois je relève,
Qu'il vous plairait, si j'ose dire, d'être explorée.

Joignant rapidement le geste à la parole,
Je glissai ma main sous la cotonnade fine,
Soucieux de prouver à la belle libertine,
Que moi aussi j'avais été à bonne école.

Ma main caressa la chair ouatée de ses cuisses,
Créant chez la jeune fille une agitation,
Qu'elle traduisit bientôt, et sans modération,
D'un gémissement révélateur de son vice.

Maintenant que vous avez si bien débuté,
Si vous voulez encore un peu vous enhardir,
Je vous promets que vous partez pour découvrir,
Le secret de mon appétit de volupté.

Après ces mots mon doigt fut aussitôt happé,
Par la corolle interne de son sexe brûlant,
Et je sentis une double rangée de dents,
Soigneusement mais fermement l'emprisonner.

Je tentai d'arracher mon index à l'étreinte,
Mais les dents incongrues resserrèrent leur pression,
M'ôtant toute possibilité d'évasion,
Et m'emplissant d'une irrésistible crainte.

Belle Demoiselle, je vous prie de croire sans réserve,
Que je ne voulais pas être désobligeant,
Et que si vous l'avez ressenti autrement,
Ce n'est que l'innocent fruit d'un excès de verve.

Mes doigts fébriles poursuivirent leur exploration,
Muette et aveugle, et découvrirent la porte brûlante,
De l'Eden secret de la jeune femme consentante,
Qui l'entrouvrant confirma son invitation.

Des semelles de crêpe crissant sur les gravillons,
Des allées du parc où nous étions réfugiés,
Me rappelèrent brusquement la réalité,
Insolite et perverse, de la situation.

Rapidement, je pris la saine précaution,
Face à l'urgence du danger qui nous menaçait,
De dissimuler le lien qui nous unissait,
En recouvrant la courte jupe de mon blouson.

La suite ne tarda pas à m'apporter la preuve,
De l'opportunité de cette décision,
Puisque jouant les indésirables troublions,
Venait vers nous une vieille écrasée par l'épreuve.

Négligeant les bancs nombreux du parc presque vide,
Elle s'installa pesamment à côté de nous,
Posant ses mains entrecroisées sur ses genoux,
Et nous dévisageant derrière son masque livide.

Comme vous êtes mignons mes enfants déclara-telle,
Il est devenu si peu courant aujourd'hui,
De rencontrer un gentil couple aussi uni,
Dans un monde qui ne jure que par la bagatelle.

Cette énormité faillit me faire défaillir,
Mais je me contins, usant de diplomatie,
Préférant jouer la carte de l'hypocrisie,
En vain, car j'entendis la Demoiselle lui dire :

Apprenez Madame que je suis une femme volage,
Que j'ai une petite fille et un mari charmant,
Qui, le pauvre innocent, s'occupe en cet instant,
De gagner l'argent nécessaire à son ménage.

Le malheureux cocu me vénère plus que tout,
Et sa confiance ne fait qu'accroître mon plaisir,
A m'abandonner librement à mes désirs,
Me livrant sans vergogne aux fantasmes les plus fous.

Le couple si mignon que vous complimentez,
N'est que le fruit récent d'une rencontre fortuite,
Et ce garçon qui m'a si promptement séduite,
Bien que rapide n'a pu encore se présenter.

Regardez, poursuivit-elle, écartant les cuisses,
Soulevant mon blouson et ôtant le tissu,
Vos yeux reconnaissent-ils le lieu où est perdu,
Le doigt de l'inconnu qui m'emplit de délice ?

La vieille s'étrangla dans un borborygme affreux,
Le voile de l'épouvante tomba sur son visage,
Elle étreignit ses mains jointes contre son corsage,
Et pour nous implora la grâce de son grand Dieu.

Elle poursuivit ses hurlements incantatoires,
Et ses vieilles jambes retrouvèrent une nouvelle vigueur,
Qui instantanément l'éloigna de l'horreur,
A laquelle ses yeux de myope devaient pourtant croire.

Je ne savais personnellement plus où me mettre,
Mais la publicité donnée à notre union,
De ma troublante voisine accru l'excitation,
Et ses halètements pouvant tout compromettre.

Oh oui mon ami, poursuivez, je vous en prie,
Vous n'imaginez pas le douloureux bien être,
Que vos bienfaits en moi habilement font naître,
Encore un instant et je serai assouvie.

De sa bouche tremblante elle fouillait mon oreille,
Explorait ses replis de sa langue frétillante,
Quand ses lèvres frémissantes annoncèrent haletantes,
Le terme fulgurant d'une ascension sans pareille.

Votre touché délicat est, dit-elle, la preuve,
D'un talent dont l'expérimentation me tente,
Car il est rare malgré mes recherches permanentes,
Qu'un pareil attouchement à ce point m'émeuve.

Je n'avais pas ressenti une pareille émotion,
Depuis le trajet en métro inoubliable,
Où un sexe anonyme sous un imperméable,
M'a possédée entre Porte Dauphine et Nation.

J'ai beaucoup apprécié l'inédite façon,
Dont vous avez usé pour oser m'aborder,
Et pour cette raison je veux vous remercier,
En me livrant à vous pour votre satisfaction.

Acceptez de ma part un ultime caprice,
Otez-moi ma jupe et conduisez-moi chez vous,
Faites-moi traverser la ville dépouillée de tout,
Pimentons nos ébats de ce brûlant épice.

Naturellement, j'acceptai et l'entraînai,
Nous traversâmes Paris soulevant un tollé,
Mais l'après-midi qui suivit cette équipée,
Vous pouvez me croire, je ne l'oublierai jamais.


(c) François Hède - reproduction interdite par tous moyens